samedi 23 octobre 2010

...Voilà, petit drame... Dans la lignée des "gens qui mordent"

                                            Le Fantomime
 SCENE I
Un réfectoire d'un couvent de province abandonné. Nuit orageuse. Tables et autes meubles éparss, couverts de vieux draps poussiéreux. A l'avant-scène à droite, un portrait de religieuse dont le cadre est fait de sparadrap noir. A l'avant-scène à gauche, une porte ouverte sur un couloir; de même dimension que le portrait, et situé à la même auteur que celui-ci; le battant est détaché et posé à côté.
Sur une table au milieu, traîne un vieux poste de radio à transistor.

LE TRANSISTOR d'une voix de présentateur: Minuit, minuit! Ecoutez tous, ici il est minuit comme les douze doigts de la main, comme tous les soirs à la même heure... l'obscurité est RRRRR pareille, n'a pas son pareil RRRRR Ce soir, il est vingt heures  tout rond à New York et la Grosse Pomme s'endort impassible...

Coup de tonnerre. LE TRANSISTOR grésille. Musique de spectre; musique de clown; silence.
Entre, par la porte, LE MIME. Teint blafard. Il arrive en chancelant. Démarche mimesque. Regard effrayé. Fixe à droite et à gauche; expression d'angoisse grandissante. COUP DE TONNERRE: LE MIME couine et sursaute.

LE TRANSISTOR; d'une voix d'outre-tombe: Ici 08 radio-poubelle;... RRR stoires de peur qui font trop peur pour être entendues. Fermez la porte... Fermez la porte...

LE MIME,voix pleurante mais distincte. Sans bouger les lèvres: Où suis-je? Où ainsi me portent les destructrices passions et les fantaisies de mon être?... Nous sommes loin, oui loin, très loin sur le chemin de l'ultime poussière!
Coup de tonnerre. Entre UNE CHOSE NOIRE ET RAMPANTE.
UNE CHOSE NOIRE ET RAMPANTE, s'adressant, dans un souffle, au transistor qui grésille: Alo, alo, qu'as-tu? Encore ton mauvais rêve? Attends, je te distingue à peine, je vais chercher une chandelle... Où es-tu? d'habitude chaque éclair ravive ta carcasse blanche... Elle sort. Un moment s'écoule.
LE MIME, même jeu: Où toujours vins-je m'échouer, sans ressource, quel est ce château? A qui appartient-il? Quel en est le châtelain?
LE TRANSISTOR, grésille puis chante: La tour prends garde, la Garde, prends peur! De te laisser abattre... Je suis, je suis la rose de Saaron et le lys dans la vallée... Ton nom, ton nom est comme un parfum répandu, ton nom n'est qu'un parfum répandu, ton nom se confie à mes yeux de la bassesse de ta vieille âme moisie...
Entre UNE CHOSE NOIRE ET RAMPANTE, une chandelle éteinte devant elle:Qui va là?
LE MIME, même jeu: Hélas, je le sais, le châtelain, c'est la mort... S'adressant à la chose noire et rampante, bougeant les lèvres: Sais-tu, ô concierge, où est la maîtresse de maison? (Il tremble)Je tremble de froid et la faim me dévore...
LA CHOSE NOIRE ET RAMPANTE; voix murmurante et familière: Alo, alo, que fais-tu là donc?
LE MIME, même jeu: Ô concierge, je cherches un abri contre le vent et la pluie; mon âme est toute délavée et les esprits me murmurent des absurdités que je rougirais de comprendre...
LA CHOSE NOIRE ET RAMPANTE, ton de compassion: Madame est absente, et je ne sais si elle reviendra. Alo, tu n'es pas censé parler, retourne d'où tu viens...
LE MIME, ton implorant: Ne peut-on seulement me servir le couvert? Je mourrais!
LA CHOSE NOIRE ET RAMPANTE, s'accroche d'une main sur la table où est posé le transistor: Ne fais plus attention, tu mourras de toute manière... Je te croyais d'ailleurs déjà mort. Retourne d'où tu viens.
LE MIME sort.
LA CHOSE NOIRE ET RAMPANTE, voix faible: Vieux cauchemar. (Elle sort)
LE TRANSISTOR, grésille puis, voix de présentateur: Quatre heures à Chisinau, quatre heures à Chisinau! RRRRR Le soleil s'éreinte doucement, vomante, sur les côtes dorées de la Baltique. Et moi qui, solitaire, errais entre quatre infinis, entre quatre murs bien distincts les uns des autres...( il grésille, puis se tait; fin de la scène I)
                                                                  La suite plus tard

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