vendredi 6 septembre 2013

La civilisation d'acier (4)

Désolé du retard, je cherchais une excuse pour mon retard. Les raisons pour lesquelles nous n'irons pas à Zoïma... Nous y avons un correspondant clandestin; inutile de préciser qu'il a tenu à garder l'anonymat; il se trouve probablement dans les environs de la ville et en expédie nombre d'informations nouvelles sur la situation qui, semble-t-il, évolue et continue à évoluer. Le périmètre sécurisé s'est beaucoup étendu, ce qui semble favoriser l'hypothèse des radiations, ou de quelqu'autre forme de contamination. Mais pénétrer cette enceinte ne fut pas difficile car tous les postes de garde étaient déserts. Les entrées de la ville étaient solidement barricadées et hérissées de mitrailleuses, mais pas âme qui vive. Notre correspondant est passé rapidement entre des tas de matériel abandonné et ne s'est pas attardé car la nuit tombait.
Zoïma troisième état
A cette occasion, il a pu vérifier une des rumeurs bizarres concernant la garnison, car celle-ci s'est manifestée. Il s'agit de la rumeur faisant état de hurlements monstrueux ou de chants blasphématoires dans la nuit. Des curieux rôdaient déjà en nombre parmi les entrepôts de la périphérie ouest, et observaient à l'occasion les mouvements des soldats, de moins en moins logiques; il semble que la tension soit devenue palpable parmi eux. A la tombée du soir, ils se déplacent toujours en rangs (en meutes serait plus exact) mais furtivement et en gémissant à chaque pas, grognant, murmurant, et d'une manière assez grotesque. Ils sèment derrière eux des pièces d'uniforme et d'équipements, et leur allure est d'autant moins réglementaire que voûtée et tordue.
  C'est dans les derniers feux du crépuscule qu'on entend les chants. Ils viennent selon certains de l'église, selon d'autres des collines à l'écart. Ils commencent par des cris déments, et ces cris, lentement, s'organisent entre eux selon une harmonie très désagréable et même glaçante. Notre correspondant s'est aventuré du côté des collines et en a ramené une hypothèse stable: il dit qu'un officier ingénieux rassemble ses hommes à l'écart et les fait extérioriser leur malaise en hurlant, et qu'à partir de là il leur fait chanter des psaumes. Il dit avoir distingué "Awewuia" à la fin d'une de ces séances. Il ajoute que parfois ce sont semble-t-il des chansons paillardes. Mais on n'en distingue pas les paroles.
  Notre correspondant devrait prendre le chemin du retour, mais son dernier message, où il se défend de "laisser tomber les rubis", laisse entendre qu'il ne va pas le faire tout de suite.

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