vendredi 11 octobre 2013

Tous les jours, Edgar enfonce sa propre porte

Vieux texte et illustration pas trop soignée en guise de premier remplissage en attendant quelque chose à voir...
"Tu vois, il ne faut pas s'en étonner. Elle me hait, elle ne veut plus m'ouvrir. Regarde-la: le mécanisme est out abîmé, à force que je le force, que je la frappe. Un jour, il va se casser.
-Cesse donc de la frapper, offre-lui de l'huile, elle te pardonnera peut-être.
-Ce n'est pas ça, gémit-il.
-Tu n'aurais pas dû jeter la clé dans le fleuve pour cette misérable histoire de rideaux...
-Ce n'est pas ça non plus, sanglota-t-il. Tu sais, elle fait la coquette, je lui en ai déjà ramené des dizaines, des clés. J'ai même fait venir d'excellents serruriers pour qu'ils en refassent une identique, avec un joli ruban... en soie! Rien à faire, elle ne veut pas m'ouvrir.
-Et elle refuse de te dire ce qui la contrarie?
-Penses-tu! Cette affreuse coquette. Ce n'est qu'une porte, jamais elle ne me dira ce qui ne va pas."
Fatigué, j'écourte la discussion, la même à quelques détails près depuis 23 ans. Edgar, tremblant de résignation, secoué de sanglots de remords et de regrets, applique un large coup d'épaule à la porte couverte d'hématomes. Elle vole d'un coup sec, en un gémissement lassé, haineux et désespérément laissé sans réponse. Pauvre Edgar, tant d'histoires pour une porte qu'il serait plus simple de changer tout entière -mais il ne s'y résoudra jamais: et dire qu'il y a sa femme qui l'attend derrière, le même sourire pincé, depuis 23 ans!

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