mardi 3 avril 2012

Le chevalier de Malte

Je suis dans cette situation ridicule, où je cherche à impressionner, à effrayer, à faire réagir une chose inerte, stupide, obscure et incompréhensible qui me fait face, en essayant  par en-dessous, par au-dessus, par le flanc, des passes adroites à l'épée pour la menacer. Rien ne l'impressionne et ne l'oblige à se confier à personne; car peut-être ce n'est pas une personne.
  J'ai à la main une bouteille d'élixir, ou d'un alcool extrêmement fort et de goût médiocre, je cherche à faire sortir de sa tanière, d'une incompréhensible retenue (ou d'une impossiblilité) un genre de sainte-nitouche instinctif; ou bien cette chose semble se prêter à la beuverie, mais il est impossible de voir s'il boit vraiment ce qu'on ne cesse de lui tendre et verser, ou s'il verse tout dans sa manche sourde par prudence maligne ou par maladresse. En tout cas ce flot de parole ne le rend pas plus affable, il demeure muet et stupide et me fait face en souriant sans seulement sembler me voir moi et tout ce qui pourtant l'entoure, d'un oeil vide, placide et à côté de la plaque. Je me fais violence, les coups ne l'atteignent pas; je triche aux cartes, il rend les mises avec une honnêteté et une exactitude révoltantes.
Il me faut pourtant bien savoir son secret.

Aucun commentaire: