mercredi 28 décembre 2011

Je me construis sur l'épiderme, pour de nombreuses raisons, pour l'apparence et l'apparat, pour tout ce que je crois voir; les sens qui de façon boiteuse lui obéissent, tous sont tournés vers l'extérieurs; l'intérieur, quant à lui, l'invisible intérieur farouche informe se précipite avec force, désespérément, vers n'importe quel objet du dehors, dont il s'empresse d'épouser la forme. Elle se déforme,si tant est que ce terme soit propre à désigner les métamorphoses (on dirait: démentielles) de ce tas indistinct, ce liquide.
   Qu'est Je, alors? C'est un chien qui gratte à la porte; il entend proférer derrière la porte, à son attention peut-être, les commandements de son maître: ce ne sont que des grognements indistincts; ou plutôt des grésillements, comme si un vieux magnétophone répétait inlassablement la même inintelligible séquence.
   Tu attends qu'on t'ouvre, tu implores, tu geins qu'on te donne ta pâtée spirituelle, qu'on t'a promise; tu sais que la vérité se trouve derrière cette porte où résonne la voix étouffée de ton maître; mais peut-être, derrière cette porte, il n'y a rien.

lundi 26 décembre 2011

Animaux-gouttes

   C'est quelque chose d'assez bizarre: j'ai inconsciemment croisé le passage du Lurker at the Threshold de Lovecraft où Stephen Bates regarde par une fenêtre et y aperçoit les espaces extérieurs avec Il libro sull'... de Buzzati où Giorgio Capranica entrevoit dans un livre de médecine des choses ressemblant à des mollusques, symptômes d'une maladie dont il est atteint.
                                    
  
Et ça a donné ça. Je me suis aperçu récemment du "malentendu" en relisant les deux oeuvres. Ce peut paraître moche, mais ça pourrait passer pour un effet de style vu que les deux passages ont en commun de mettre très mal à l'aise... Enfin, pensez-en ce que vous en pensez si vous en pensez quelque chose.

jeudi 15 décembre 2011

Pourquoi la "raison"?

On abuse de la raison. La raison est une des choses les plus épouvantables au monde. Mais il suffira de lire la suite pour voir où je veux en venir et en quoi j'avoue être d'elle, comme tout le monde, un infâme suppôt vain et servile. La raison n'est qu'un épiderme, accessoire, inutile; et un épiderme inconfortable, semé de clous; rien à voir avec notre bonne peau qui pour être fragile a le mérite de ne jamais, dans sa bêtise, nous trahir.
Organes vitaux, qui battent sans parole, voilà ce qu'il est d'important, ce qui domine et dirige aveuglément les mouvements épidermiques, ce qui bat, invisible, inaccessible hors du meurtre (qui en même temps qu'il les découvre, les détruit), et de son côté considère inaccessible le dehors... Que la parole, en résumé, est faible; que le raisonnement est mesquin.
Comme par ses propres propriétés je le balafre, je dis que je le balafre, il s'est replié dans une région plus reculée de la "pensée", ou plutôt les lieux à portée de mes coups de griffe, il ne s'y trouve pas; et ce qu'ici j'appelle "raisonnement", ce que je désigne par "il" ou "elle", ce n'est qu'une pancarte à son effigie; je ne frappe que des pantins de glaise qui grossièrement lui ressemblent; ou même, parce qu'il est roi de ce domaine, où je ne pourrais pas même être son fou, cela ne lui ressemble pas le moins du monde, cela n'est qu'un mot, un amas de lettres, de morphèmes; et ce n'est qu'arbitrairement supposé le représenter et prendre les coups que je lui destine, en prétendant que c'est bien la raison qui les prend. Oui, ce mot n'est qu'un petit animal, un prétexte, une pauvre armure derrière laquelle sans en avoir nul besoin, pour le seul plaisir de ses clients, la raison se cache voilée dans sa perfidie. Ce mot la recouvre autant qu'il la laisse entrevoir de tous ces milllions d'yeux lubriques.Voilà une chose infâme, qui recouvre la terre et qu'il est impossible d'humilier. On ne peut que la tuer, en cédant à la violence, en s'humiliant soi-même. En la magnifiant du même coup.
L'Absurde, humiliation de la raison? Non! Ce sont ses propres rejetons démoniaques, ils lui font honneur, au contraire! Nous sommes tous empêtrés dans le commerce de cette catin.
Elle ferait presque aimer la politique, qui est ce qui se rapproche le plus d'une huée de cette bouche d'égout encensée, portée au trône de déesse, un trône fait pour elle sur mesure, un trône indigne.